Je me suis quand même décidée à aller au musée des Beaux-Arts de Lyon cet été et j'en ai profité pour découvrir l'oeuvre de cet artiste que je ne connaissais pas.
L'oeuvre de François Rouan n'est pas facile à décrypter dès le premier abord pour une néophyte comme moi. L'originalité et la grande maîtrise de ses techniques (collage, superposition, pliage, tressage, empreintes de corps ou partie de corps, photographie, inversion-opposition), les couleurs employées, rien n'est laissé au hasard. La présence des corps dans leur dimension tragique, la mort, le sexe reviennent dans ses tableaux.
Tout cela a nécessité pour moi une seconde relecture des tableaux dès mon retour à la maison pour vous livrer cet article.
Né à Montpellier en 1943, il entre à l'école des Beaux-Arts en 1961. L'univers de François Rouan c'est tout d'abord le collage (il a été inspiré par Matisse et ses gouaches découpées), puis vient la technique du tressage (toiles peintes découpées et tressées) dans les années 60. En 1971, il obtient une bourse pour la villa Médicis à Rome dirigée par le peintre Balthus avec qui il se liera d'amitié. Jusqu'en 1980 ses oeuvres étaient abstraites, ensuite il fait entrer la figure au moyen d'empreintes. Il représente les corps en jouant avec inversion et opposition - photographie/peinture - abstraction/figuration-, soit de façon tragique avec la série inspirée par le film Shoah de Claude Lanzmann soit de façon sexuelle ou sensuelle avec la série Coquilles. Même si j'ai eu un peu de mal à lire ces toiles, elles ne laissent pas indifférent.
La première série est la série Stücke (d'après le film la Shoah) voulant dire morceaux. Morceaux de corps déshumanisés comptés et recomptés comme le seraient des bûches. Collages amalgamés, empreintes de bûches, peinture à la cire. Le tout donne un résultat saisissant.
Réalisé pendant la première moitié des années 1990, les tableaux sont réalisés à partir d'empreintes de corps vivants des modèles de Rouan.
Série photographique inspirée par le sexe féminin où le peintre mélange outil et techniques. Sur le mur voisin une série de dessins au crayon ou à l'encre.
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Roses turques 2003 |
La série Primatice s''inspire de l'oeuvre de Francesco Primaticcio dit le Primatice sur une série de tressage photographique (serie sempervirens) et la série Lorenzetti s'inspire de l'oeuvre d'Ambrogio Lorenzetti (1290-1348) l'allégorie des effets du bon et du mauvais gouvernement et notamment d'un détail, la ronde des danseuses, une série de fresques que le peintre a découvert à Sienne.
la Ronde 1975
La série Mirotopos est imaginée suite une exposition de Mirõ que le peintre a vu à New York.
De l'autoportrait de Joan Mirõ à la série des regards voilés, c'est le message du peintre face à la guerre à la menace du retour de la bête immonde où il nous transmet le message :"de ne pas oublier".
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regard voilé |
La visite se poursuit avec la série Mappes. Elle a été réalisée au début des années 2000. Elle revisite les motifs du peintre Lorenzetti. Empreintes laiteuses de corps féminins évoquant nuages et nymphes avec des coulures de couleur, repliés sur eux-mêmes représentant ainsi un système de taches abstraites et symétriques. Les tableaux ont été travaillés au chevalet et au sol. Son inspiration fait référence au peinte Jackson Pollock .Cette série a été reprise en 2012-2014 avec la série Eponges mais cette fois ce sont des dessins avec collage d'un croquis dessiné en 1973-1974 en guise de "témoin";
Mappe rose translucide aspergée d'éclaboussements verdâtres 2003-2005
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Eponges 2013 avec croquis |
La série Vénus est imaginée suite à la lecture d'un article en 2014 sur la découverte archéologique dans le quartier d'Amiens, Renancourt, d'une première figurine féminine vieille de vingt-trois mille ans puis en 2019 d'une autre statuette sculptée dans la craie.
Il reprend des tableaux plus anciens peintes ton sur ton avec nuances de carmins er de violacés pour produire la serie Vénus écaille. Avec en référence le peintre Jean Dubuffet (corps de dames) et la lecture du livre de l'archéologue Jean Pierre Vernant "la mort dans les yeux" où il est question du masque de Gorgone qui pétrifie celui qui le regarde et son expression grotesque et terrible qui porte la mort dans ses yeux.
Sexe-mort, grotesque-terrifiant, ces notions que l'on retrouve dans la série des Babas (1985-1986).
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Baba ricordare 1985 |
Ici est abordé le thème des vanités-en référence entre autre à Paul Cézanne- (vanité: fragilité de la vie humaine -mort , temps qui passe -au regard de la futilité de la vie terrestre), d'une part dans une série de crânes et d'autre part dans une série de transis (art funéraire: sculpture d'un mort à l'état de cadavre en putréfaction - différent du gisant représenté couché et endormi dans une attitude béate ou souriante). Inspiré par Ligier Richier (oeuvre du transi de René de Chalon) et du coup réfléchit à des formats plus verticaux hauts et étroits pouvant s'agencer en diptyques. Toujours en opposition entre figure décharnée symbolisant la mort et la couleur représentant la vie.
Le biju est un coquillage appelé aussi violet ou patate de mer. C'est une réminicence de l'empreinte durable de leur saveur goûtée par le peintre sur les bords de la Méditerranée et de leurs couleurs.
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Biju 23. peinture à la cire sur papier découpé-2018 |
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Arbre loques II huile sur toile tressées 2019-2020 |
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Saxifrage n°1 2019-2020-huile sur toiles tressées |
Dernière série de l'expo.
Des empreintes de corps enfermés dans une boîte crânienne ou à l'intérieur d'une toile.
L'interprétation en serait un retour sur soi et une forme d'autoportrait. Par les tableaux Recorda "souviens toi" en catalan le peintre nous incite à la vigilance face aux guerres et aux désastres.
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Bourrage de crâne n°1-1992-1993-peinture à la cire sur toile |
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Recorda VII 2023-2024- huile sur toiles tressées |
Sources : Musée des Beaux-Arts de Lyon
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