vendredi 20 novembre 2020

Villages du Bourbonnais : Lavoine, le rocher Saint Vincent, Ferrières sur Sichon.. et l'affaire des Pions

Un dernière incursion au coeur de la Montagne Bourbonnaise avec une ballade du coté de Lavoine.
Lavoine est sur la route qui relie Cusset à Saint Just en Chevalet dans la Loire. C'est encore une commune de l'Allier. Elle est à 35 km de Vichy et à 43 km de Roanne et à 17 km de St Just en Chevalet.
Toutes ses précisions pour dire que Lavoine est au carrefour de 3 départements: la Loire, le Puy de Dôme et l'Allier comme en atteste le Puy de Montoncel point culminant de l'Allier sur la commune de Lavoine avec ses 1287 m d'altitude qui est le point de rencontre de trois départements : Allier, Loire et Puy-de-Dôme.
A Lavoine passe le Sichon  qui rejoint l'Allier à Vichy. Le Sichon prend sa source au Puy de Montoncel.
Mais que s'est il passé à Lavoine en 1764? ou plutôt dans un de ses village situé sur sa commune : le village des Pions.
Ayant retrouvé les détails de l'affaire sur un site de généalogie (cité en fin d'article) je vous les livre en effectuant quelques raccourcis!!
La complainte des Pions
Ecoutez tous réciti
D’un village tout près d’ici :
Lou habitants de chi Pions
Sont trétous de bons lurons,
Mais lou vaillants dragons
Sont venus renversa lou Pions

A la fin de l’année 1763, l’un de ses habitants, Albert Barraud, propriétaire, laboureur, est redevable de la somme de 62 livres 12 sols auprès de Me Antoine La Caille, procureur fiscal à Moulins.
Faute de paiement, le créancier engage des poursuites judiciaires. L’autorité compétente en matière de justice est le sieur Jean Baptiste Moussier, bailli de Chateldon, châtelain de Puy-Guillaume, Chabannes et La Guillermie, châtelain-juge civil et criminel de la châtellenie de La Guillermie.
Le 2 janvier 1764, Jacques Sayet, huissier royal ès sénéchaussée d’Auvergne et Bourbonnais, demeurant au bourg de la paroisse du Mayet de Montagne, est chargé de procéder à une exécution mobilière. Sayet est accompagné de deux recors, ses assistants : Antoine Dumas et Gilbert Piat. Ils se sont joints à lui, à mi-distance, au bourg de Ferrières où ils demeurent . Lorsqu’il se présente à la maison d’Albert Barraud, celui-ci est absent et la porte est close. 
L’huissier s’apprête à exercer son office, alors que Marie Barraud, sœur d’Albert n’est pas loin devant la maison. Elle est venue vivre chez son frère Albert et sa belle-sœur Marie Desvernois après le décès de son mari, Simon Fradin dit Desvernois, vivant, laboureur et charron. 
Rapidement Marie Barraud est rejointe par Antoinette, une autre sœur , qui demeure à deux pas, à La Pierre d’Argent. Les deux femmes s’opposent avec vigueur à la visite domiciliaire. Le ton monte : Albert ne doit rien au dit La Caille qui n’est qu’un bougre de voleur et de fripon aussi bien que ledit Sayet et ses assistants ! Marie assure que son frère a déjà enlevé tous ses meubles, que ce sont ses seuls biens personnels à elle qui restent et qu’elle ne doit rien au sieur La Caille !
L'échange est musclé !! Les deux sœurs ont ramassé ce qui leur tombait sous la main : des morceaux de bois, des pierres, mais aussi pour Antoinette, un long bois carré qui se trouvait (opportunément ?) dressé contre le mur, pour Marie un maillet qui traînait à terre. A 43 ans, l’aînée est encore dans la force de l’âge.[...] les coups pleuvent.
Dans la bagarre, Gilbert Piat casse son bâton de noisetier. Désarmé, il doit reculer, folle de colère Marie lui lance son maillet à la tête. Craignant pour sa vie en voyant ledit Piat tout ensanglanté, Sayet prend le parti d’un repli général.[...] Stupeur, le 19 janvier au soir, Gilbert Piat meurt.
Le 20 janvier, Monsieur de Lavaure, procureur d’office de la châtellenie de La Guillermie, est saisi d’une plainte du sieur La Caille portant sur la rébellion faite à Albert Sayet. Le soir même s’ajoute l’information de la mort du malheureux Piat. Après de nombreuses enquêtes et examen du corps : le 29 janvier, sur les réquisitions de Monsieur de Lavaure, procureur d’office, Monsieur Moussier, châtelain-juge ordonne que ladite Marie Barraud, veuve de Simon Desvernois et ladite Antoinette Barraud, femme à Vincent Pételet, sœurs germaines et aussi sœurs germaines à Albert Barraud, seront prises et saisies au corps, conduites et amenées prisonnières ès prisons de cette châtellenie, pour y être écrouées ».[...]
Antoinette s'enfuie, Marie est interrogée à la Guillermie et ensuite doit être réintégrée à la prison de Frerrières, mais les officiers de la maréchaussée sont attaqués à bois Paraud par les parents et alliés des Barraud. Deux cavaliers sont blessés, un cheval tué, un autre blessé et Marie Barraud s’est échappée. L'affaire (rébellion et homicide) va donc prendre une nouvelle dimension et sera portée à la connaissance du pouvoir royal.
Sa Majesté, par « lettre patente du 15 mars de l’an de grâce 1764 et de son règne quarante- neuvième » , après avoir entendu son Conseil, arrête que, « dans les circonstances et une pareille rébellion, on ne peut désunir les deux affaires ».
La justice de La Guillermie sera dessaisie de l’instruction déjà commencée, qui est confiée au greffe de la Sénéchaussée de Moulins.
« Tel est son plaisir ».[....]
Très vite, durant le procès, une liste des accusés va se constituer autour du clan Barraud et ses alliés.[....]
La répression armée n’a pas attendu la fin des interrogatoires.
Le 19 mars, Jacques de Saint-Mesmin reçoit et met immédiatement à exécution les ordres de Monsieur le duc de Choiseul adressés par lettre du 15, au nom du roi.
Les 29 suspects « seront arrêtés et pris au corps et ensuite amenés dans les prisons roiales pour y être interrogés [ … ] si arrêtés et pris ils peuvent être, si non après perquisitions faites [ … ] leurs biens saisies [ … ].
Le 20 septembre, suivant la requête du Substitut du Procureur général du Roi en ladite Sénéchaussée, demandeur et accusateur, le Lieutenant criminel de la Sénéchaussée de Moulins, rend sa Sentence .
Le verdict est brutal :
Cinq accusés sont condamnés à mort et les autres, condamnés à la même peine avec sursis, dans l’attente de révélations qu’apporterait la question ordinaire et extraordinaire infligée aux premiers.
Les « fugitifs » sont condamnés à mort par contumace.
Il faut attendre le 2 juillet 1765 pour que la Cour du Parlement de Paris se prononce.
Les conditions de détention, tant à Moulins qu’à Paris, sont effroyables et l’audience s’ouvre sur le constat que cinq accusés sont décédés. 
Au final La Cour, faisant droit sur les appels, condamne lesdits Gilbert PION-BASMAISON dit le Couchat, Claude FRADIN dit Sapinot, Antoine PION-BASMAISON dit le Toin, à être pendus et étranglés, par l’Exécuteur de la Haute Justice, à des potences qui seront par lui plantées en la place d’Allier de ladite ville de Moulins,
condamne  ledit Simon DESVERNOIS à assister à ladite exécution et à être battu et fustigé nu de verges par ledit Exécuteur de la Haute Justice en ladite place des Lys et flétri d’un fer chaud en forme des lettres G.A.L. sur les deux épaules, ayant la corde au col, ce fait, mené et conduit ès Galères du Roi , pour y être détenu et servir en icelles ledit Seigneur Roi à perpétuité ;
déclare tous leurs biens acquis et confisqués
comme aussi condamne
lesdits Mathieu BLETTERY, Mathieu MERCIER, Simon GOLIARDON, Gilbert MONDIERE, Claude BASMAISON, Claude BARRAUD, Simon CHAUNIER, Laurent FRATY, Bonnet VALLARD, Joseph NELY, à assister purement et simplement à l’exécution du présent Arrêt ;
Après le départ de la troupe, les poursuites à l'encontre des fugitifs sont, de fait, abandonnées.
Très vite, les fugitifs ont quitté leur refuge et sont revenus au village où leur présence est connue de tous. Leurs biens saisis, ils sont souvent réduits à la misère.

Après cette histoire haute en couleurs mais ô combien douloureuse et bien cher payée, allons au  n
ord de la commune  où se dresse le Rocher Saint Vincent notre ballade du jour de 8km environ 2h40.
Le rocher culmine à 925 mètres d'altitude, de son sommet, on peut admirer la chaine de Puys , la vallée du Sichon. C'est un lieu d'escalade. Mais c'est aussi un lieu privé.
Nous nous engageons donc sur le PR3  depuis la place de l'église. En fait au départ nous suivons le GR3 (on le quittera avant le chemin de la Ligue). Nous suivons tout d'abord la route  D422 puis D995. Nous poursuivons à droite vers le parking du Rocher St Vincent pour ensuite monter en sous bois  par un sentier escarpé,   puis nous rejoignons un chemin un peu plus large. 
Du GR3, le Rocher St Vincent est à l'écart à 10 mn.
Le rocher doit son nom à une chapelle disparue  dédiée à Saint-Vincent Ferrier moine dominicain espagnol (1350-1419). Au Moyen Age y fut construit le château de Pyramont pour contrôler la vallée du Sichon , il fut abandonné au XVI ème siècle.
Juste avant d'arriver au rocher la statue de Notre Dame de la Montagne se situerait à l'emplacement de l'ancienne chapelle.
Notre Dame de la montagne
Une autre statue de la Vierge à l'enfant a été élevée au sommet
Notre Dame d'en Haut
Nous prenons le temps d'admirer le point de vue.

Ensuite le GR 3 continue dans les bois.
Le sentier  débouche sur la route forestière appelée le chemin de la ligue. Ici on abandonne le GR3 pour continuer en direction du hameau du Point du Jour. Le chemin de la ligue était une ancienne voie de communication . Il fut emprunté par des marchands  grecs dans l'Antiquité, par l'armée catholique pourchassant les protestants et par les trafiquants de sel traqués par les gabelous (douaniers) et également par Mandrin.

Il faut se rappeler que le sel était une denrée indispensable à la conservation des aliments. Son achat était taxé, mais différemment d'une région à l'autre. La Montagne Bourbonnaise se trouvant aux confins de trois régimes de taxation différents entre l’actuelle Loire et l’Allier, le trafic était donc légion.
C'est donc sur ce chemin que les gabelous guettaient les trafiquants,  qui si ils étaient pris, subissaient des peines pouvant aller jusqu'à la mort. A la Révolution la gabelle est supprimée. Aujourdh'ui ce sont les éoliennes qui surveillent le passage.
D'ici si on le souhaite, on peut rejoindre le Roc des Gabelous à 931 m d'altitude.

Ensuite  (si vous êtes allés au Roc des Gabelous il faudra revenir sur vos pas) c'est la redescente sur le col du Beaulouis, frontière entre l'Allier et la Loire.

Le bois matériau pour les scieries

La frontière!!!

Scierie
Vous passerez tout à à coté de scieries avant de rejoindre Lavoine. D'ailleurs il existe une rando qui s'appelle les scieries (PR4 de 11 km -3h) qui vous fera passer vers des scieries et vous fera traverser le fameux village de Pion.
A Lavoine, un écomusée du bois et de la forêt, vous contera des histoires d'arbres mais aussi de ces hommes qui travaillent le bois et de leurs traditions (ancienne scierie à eau).
Vous ne pourrez pas manquer non plus l'horloge à billes puisqu'elle trône en plein milieu du village. Il parait que c'est la plus grosse du monde!! La force de l'eau entraine la roue et les énormes billes. Toutes les minutes un système fait de contrepoids, de roue à aube , actionne un bras  qui soulève une bille de bois. En l'absence de cours d'eau c'est une pompe électrique qui assure un débit constant.
Il n'y en a que trois horloges de ce type  dans le monde : à San Francisco (Etats-Unis), Munich (Allemagne) et celle de Lavoine. Cette horloge est le résultat d'un travail de l'école d’ingénieurs à Epinal (Vosges) dans les années 2000.

En repartant,  si vous venez de Vichy vous pouvez rentrer par Ferrières sur Sichon.

Ferrières sur Sichon est à 26 km de Vichy. Ses habitants s'appellent les Farrérauds, Ferrières qui comptait 3240 habitants en 1851 n'en compte plus que 552 en 2017.

La commune possède un beau patrimoine comprenant entre autres :

Le lavoir sur le Sichon qui était utilisé jusqu'en 1960.

Le moulin où l'on produisait la mouture du blé, du seigle, ainsi que de l'huile et du cidre jusqu'en 1960. Il se visite sur rendez vous.

L'église Saint Désir où l'on peut voir une vierge à l'enfant du XVII ème siècle en bois de noyer et des vitraux dont un représente St Vincent Ferrier, St Fiacre patron des jardiniers et de Ferrières et St Désir patron de la paroisse.





Le village a eu une grande activité comme en témoigne d'anciens commerces.
Et sa poste a une belle façade 

Aux alentours :

Le chateau de Montgilbert construit par les Saint Gérand vers 1250, et qui est passé par de multiples mains avant d'être revendu comme bien national à la révolution, a servi de carrière de pierres aux habitants au XIXème siècle. Des travaux de sauvegarde sont entrepris depuis 1973.

L'arboretum Paul Barge au lieu dit la croix des Barres sur une surface de 5ha (visite libre)

La grotte des fées qui se visite , s'adresser à la maison de la vallée du Sichon à Ferrières.

Le musée (controversé) de Glozel :un musée archéologqiue qui présente des objets préhistoriques  découverts en 1924  par Emile Fradin mais dont l'authenticité a été contesté, des datations ayant réalisées le site serait médiéval...

En quelques articles, j'ai essayé de brosser un panorama de la Montagne Bourbonnaise qui mérite vraiement un détour. D'Arrones à Nizerolles, du plateau de la verrerie au Mayet, de Ferrières à Lavoine,  voilà de quoi  passer des vacances ou des fins de semaine sportives ou pas  mais en tous cas au vert et au calme. 





Sources

site https://www.histoire-genealogie.com/La-Complainte-et-l-Affaire-des-Pions

site de la communauté de communes du bourbonnais

site de la commune de Lavoine

site de FR3

site de la commune de Ferrieres de Sichon

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