lundi 7 décembre 2020

Moulins, ses palets d'or, les crottes du Marquis et la recette du Piquenchâgne

La visite de Moulins mérite bien une journée entière. C'est une ville chargée d'histoire. De la cathédrale en passant par la maison Mantin jusqu'au Musée du costume de scène il y a fort à faire pour découvrir cette ville. Surtout que la cathédrale reçèle un trésor....

rue de Moulins

Partons de la Cathédrale Notre Dame de l'Annonciation, siège épiscopal du diocèse de Moulins. Au Xème siècle , c'était  une simple chapelle dédiée à St Pierre  et dépendante de Souvigny qui appartenait à l'Abbaye de Cluny. Mais en 1327, avec l'accession du  Bourbonnais au rang de Duché - qui eut pour conséquence l'établissement de la résidence des ducs à Moulins - elle devint une collégiale  dont la  première pierre fut posée en 1468 par Agnès de Bourbon. Au fil des ans la construction se poursuivit  notamment par le duc Pierre II  de Beaujeu - duc de Bourbon et d'Auvergne - et par son épouse Anne de France, fille de Louis XI,  pour se terminer  en 1550.
C'est à cette époque que ces  deux souverains offrent à la collégiale le tryptique du Maitre de Moulins. Et c'est un véritable trésor qui est exposé dans la cathédrale.  Les visites sont uniquement commentées et durent une vingtaine de minutes.  Ce tableau a longtemps été un mystère car on ne savait pas qui l'avait peint. Il est daté de 1502 et aujourdh'ui on a la certitude que son auteur est  Jean Hey car dans les années 1490 celui-ci est au service de Pierre II de Bourbon.
Ce tableau  représente la “Vierge de l’Apocalypse”, en compagnie de ses  donateurs, le duc Pierre II et la duchesse Anne de Beaujeu avec leur fille Suzanne. (Suzanne épousera son cousin Charles de Bourbon en 1505 mais  mourra sans descendance en 1521. Ce Charles de Bourbon, né à Montepensier petite commune vers Aigueperse, sera le Charles III  connétable de Bourbon qui se fera piquer le duché   par Louise de Savoie (cf article sur Souvigny).
Ce retable a orné une chapelle du château de Moulins. Il fut ensuite installé dans la cathédrale jusuq'au 19ème siècle. C'est Prosper Merimé alors inspecteur des monuments historique qui le redécouvre en 1838. Il sera même exposé à Paris en 1904 lors d'une exposition consacrée aux Primitifs français.
On voit  dans le panneau central la Vierge qui tient l'enfant Jésus sur ses genoux. On parle aussi de Vierge en Gloire car dans l'iconographie chrétienne, il s'agit d'une représentation de la Vierge dans les cieux après sa mort et sa vie terrestre (à la différence de la Vierge en Majesté qui est représentée sur un trône dans la vie terrestre. A partir de 1348, cette représentation sera remplacée par la Vierge de l'Humilité où elle est assise sur le sol sans trône)
Sur le panneau à notre gauche est représenté Pierre II de Bourbon et sur notre droite Anne de Beaujeu et Suzanne leur fille. Ils sont présentés à la Vierge par leurs saints patrons  Saint Pierre et Sainte Anne.
Si la Vierge est dans les cieux, les donateurs sont agenouillés à terre, le visage tourné vers elle.

La Vierge est entourée d'anges qui sont par groupe de 3. Les deux séraphins au dessus d'elle tiennent la couronne.
Un bandeau en bas du tableau est soutenu par deux anges et comporte l'inscription suivante:
HEC EST ILLA DEQVA SACRA CANVNT EVLOGIA : SOLE AMICTA LVMAN HABENS SVB PEDIBVS STELIS MERVIT CORONARI DVODENIS 
qui se traduit comme suit :
Voici celle dont les Écritures saintes chantent l’éloge : enveloppée du soleil, ayant la lune sous les pieds, elle a méritée d’être couronnée de douze étoiles.
Ce tableau, extrêmement bien conservé, nous frappe par ses couleurs et sa composition, la finesse des traits et  des mains et le rendu des drapés.
Triptique fermé représentant une Annonciation en grisaille
Dans la cathédrale trône la Vierge noire en bois de merisier du XI ème siècle. Elle aurait protégé Moulins par son voile jeté  dans l'incendie du quartier Jacquemart en 1655.
Les vitraux ont été réalisés entre 1430 et 1550. Ils ont été commandés par les ducs et aussi par  des notables du duché. Ce qui explique que les donateurs étaient représentés et également présentés par leurs saints patrons. Ils illustrent aussi la vie des saints. Ces vitraux souffrirent de dégradations à la Révolution, mais aussi de la tempête de grêle  de 1838 et de l'explosion de l'atelier de chargement d'obus de Moulins-Yzeure la nuit du 2 février 1918. Il y avait entre autres 3 millions d'obus, 2400 tonnes de poudre et explosifs, on peut facilement imaginer la nuit d'épouvante des habitants et des dégâts qui s'ensuivirent.
Après la seconde guerre mondiale c'est l'atelier de Francis Chigot de Limoges qui fut chargé de la restauration des vitraux.

Mais quittons la cathédrale du côté de la place Colonel Laussedat. Devant vous se tient la Mal Coiffée.
Il s'agit d'une partie du château des ducs de Bourbon. Il a été transformé au fil du temps d'abord par Louis II de Bourbon entre 1375 et 1410 et ensuite par Pierre II et Anne de France à partir de 1488. Rattaché en 1531 au domaine royal, il sera attribué aux reines durant leur veuvage. Passé ensuite aux mains du prince Louis II de Bourbon  Condé en 1661 , un incendie de 1755 le détruisit partiellement. Autre épisode plus sombre, la Mal Coiffée fit office de prison allemande du 19 juin 1940 au 25 août 1944.
Ce sera une prison jusqu'en 1983.
Quand à son nom de Mal Coiffée, il serait attribué à Louis II qui se serait exclamé "c'est une belle tour mais elle est mal coiffée!!"en référence à sa toiture.
Pour visiter le donjon,  il faut s'adresser au musée Anne de Beaujeu.
Vue depuis la cathédrale

vue depuis la rue du Vert Galant

Jardin en contrebas rue du vert galant
En continuant sur la place Laussedat , on arrive  devant la maison Mantin. Cette belle demeure construite entre 1893 et 1897 sur les restes du Palais Ducal appartenait à Louis Mantin, bourgeois fortuné et rentier à 42 ans . Il a légué cette maison en 1905 ainsi qu'une somme d'argent aux pouvoirs publics  avec pour souhait qu'elle "montre aux visiteurs dans cent ans un spécimen d'habitation d'un bourgeois du 19e siècle". Peintures , livres, photographies, tapisseries d'Aubusson , cabinet de curiosité..etc., cet  amateur d'art a amoncellé moults objets . On sait aujourdh'ui un peu  plus de choses sur lui: il  a fait carrière dans l’administration préfectorale : conseiller de préfecture à Gap en 1879 puis à Montpellier début 1880, il devient sous-préfet de 1880 à 1882, à Embrun (Hautes-Alpes). Il termine sa carrière comme secrétaire général de la préfecture de Limoges, en 1893. Il fut également  vice-président de la Société d’Emulation du Bourbonnais de 1902 à 1904 société dont la  "mission fut  de s’occuper activement de former une collection d’objets d’art [en donnant] avant tout la préférence à ceux qui auraient été découverts dans le département de l’Allier"

A côté le musée Anne de Beaujeu est installé lui aussi sur le site du château des ducs de Bourbon. Le musée prend place dans le pavillon Anne de Beaujeu en 1910. Ce pavillon Renaissance a été construit vers 1500 par Louis II de Bourbon.
Le musée regroupe plusieurs thématiques : l'archéologie, l'art au temps des Bourbons, les peintures germaniques et flamandes des 15ème et 16ème siècles, les arts décoratifs à Moulins au 18ème siècle ( notamment la faiencerie et la coutellerie  car Moulins était un très grand centre faiencier et comptait une cinquantaine de couteliers à cette époque), et la peinture et sculpture du 19ème siècle.
Prenez ensuite la rue de l'Aiguille et tournez à gauche sur la rue de Paris : les palets d'or vous attendent!! Une petite étape gourmande dans une maison reprise en 1886 par la famille Serardy, confiseurs, et dont le fils  Bernard formé, entre autres, chez Weiss à St Etienne prit la succession en 1898. Il créa le palet d'or à base de crème fraîche et de café. Il donna à la boutique une nouvelle déco réalisée par l'école des beaux arts de Moulins.

Pour continuer sur une note sucrée voici l'histoire des crottes du Marquis du Bourbonnais, spécialité aussi de l'Allier . L'histoire  se passe au 18ème siècle. Le marquis Charles Eugène de Lévis qui avait pour coutume de se promener avec son sac de friandises , le fit tomber en montant à cheval. Son palefrenier le ramassa et lui tendit le sac.  Mais le marquis le repoussa si violemment que le palefrenier fit non seulement tomber le sac mais le contenu également qui se mélangea au crottin de cheval. Le marquis, ne voulant plus du sac, ordonna au palefrenier de les ramasser et de les manger. Après cette mésaventure le palefrenier aurait acquis une grande vigueur et eut beaucoup de  succès auprès des dames!!
Ce petit rocher est composé d'une ganache de chocolat et de praliné noisette et enveloppé de chocolat noir et roulé dans du sucre.
Puis revenez sur vos pas dans la rue de Paris mais continuer par la rue François Péron pour arriver place de l'hôtel de ville et de la tour Jacquemart. C'est une tour horloge appelée Jacquemart en rasion de l'automate qu'elle porte. En effet un jacquemart est un automate représentant un personnage sculpté qui indique les heures en frappant une cloche avec un marteau.  La tour a été construite au XVème siècle et est classée aux monuments historiques. Cette tour voulut par la municipalité de Moulins en 1452 a été financée par la levée d'un impôt spécial "sur le fait de l'horloge" payé par les habitants de la ville et des faubourgs. Elle a subi deux incendies en 1655 et en  1946. Celui de 1655 s'est arrêté miraculeusement quand on a jeté le voile recouvrant la vierge noire.  Elle fut reconstruite avec 3 cloches et 4 automates dont Jacquemart et sa femme Jacquette, les deux enfants s'appellent Jacquelin et Jacqueline. Les enfant  frappent les deux petites cloches toutes les 15mn et les parents frappent la grosse cloche toutes les heures. L'incendie de 1946 eut pour orgine des feux de bengale placés au sommet pour fêter le premier anniversaire de la Libération, et ravagea le haut de la tour. La tour fut reconstruite à l'identique par souscription.

L'organisation du pouvoir civil à Moulins remonte à la charte de franchise de 1232, charte précisant les libertés octroyées aux habitants ainsi que leurs revenus. La municipalité a alors à sa tête  4 conseillers élus par les habitants, ils sont secondés par 12 conseillers. Pour les débats les conseillers se réunissaient dans une "chambre de ville". L'histoire de l'hôtel de ville commence au  17e et 18e siècles par l'achat de maisons dans le quartier Jacquemart, il est finallement construit au début du 19ème siècle de style néoclassique avec du grès de Coulandon (commune voisine). Un deuxième bâtiment séparé par une cour intérieure  avait pour fonction d'être une bibliothèque.


Cour intérieure
Non loin de la mairie , le musée  de l'Illustration Jeunesse (MIJ) rue Voltaire, est consacré à l'illustration du livre. Il est situé dans le bâtiment ayant abrité l'imprimerie Desrosiers.
Ensuite en reprenant la rue d'Allier vous vous retrouverez place d'Allier où vous pourrez manger en terrasse ou boire un verre. Ne manquez pas de faire une halte au Grand Café, inscrit à l'inventaire des Monuments historiques . Il est de style Art déco et date de 1899.
Il fut fréquenté par Gabrielle Chanel couturière  dans une mercerie voisine, la maison Grampayre. Son surnom de Coco  lui fut attribué car elle chantait dans le café concert de la Rotonde "qui n'a pas vu Coco dans le Trocadero". Cette fille de marchands forains , quittant  un couvent de Corrèze pour l'institution Notre Dame de Moulins pour retrouver  sa tante , fit ses premières armes à Moulins. Elle fréquenta les officiers du 10e régiment de chasseurs à cheval basés à la caserne Villars, dont Etienne Balsan fils d'un riche manufacturier et le suit à Compiègne. Puis ce sera Paris et une destinée hors du commun.
Il existe un   circuit Coco Chanel proposé par l'office de tourisme.
Plafond du grand café

Intérieur du grand café
De la place d'Allier vous n'êtes pas loin de l'église du Sacré Coeur située dans l'ancien quartier des mariniers.
Ensuite vous quittez le centre ville  pour passer sur le pont Régemortes . Il doit son nom à l'ingénieur du même nom, qui suite aux nombreuses crues de l'Allier qui emportaient systématiquement les ponts, aménagea le lit de la rivière  et construisit le pont : les travaux durèrent 10 ans de 1753 à 1763. Aujourdh'ui le problème n'est  plus les crues mais les bouchons quotidiens!!!
Une fois traversé  vous pourrez visiter le CNCS (centre national du costume de scènes ) dans l'espace Villars, ancien quartier de cavalerie. Pour l'histoire du quartier et le musée je vous renvoie à l'article sur les costumes d'opéras paru le 26 juillet 2019.

Pour terminer voici une recette typiquement bourbonnaise : le Piquenchâgne

 A l'origine c'était une galette briochée (appelée aussi pompe) à laquelle était incorporée des pommes ou des coings. Puis elles furent remplacées par des poires cuites  entieres et placées debout.

Le nom vient de l'expression "faire le piquenchagne". Cela vient des acrobaties que faisaient les jeunes gens lors des battages lorsqu'ils se soulèvents sur les mains et se tiennent droits "piqués comme chêne".

La confrérie du Piquenchagne de Moulins l'a remise à l'honneur. En voici la recette.


Nombre de personnes : 4 
Niveau de difficulté : **
Coût approximatif : bon marché  
Temps préparation : 1h30 
Repos : 3h

 

Ingrédients :
- 500 g de farine
- 15 g de levure boulangère
- 3 oeufs
- 100 g de beurre
- 25 cl de lait
- 1 pincée de sel
- 2 cuillerées à soupe de sucre
- 10 poires (ou coings).

 

Préparation :
- Délayez la levure de boulanger dans le lait tiède et ajoutez une pincée de sel.
- Faites un puits avec la farine, versez le lait, les oeufs battus et le beurre ramolli.
- Mélangez et pétrissez fermement un bon 1/4 d'heure.
- Epluchez les fruits puis épépinez-en 2 ou 3.
- Etalez la pâte sur un demi centimètre d'épaisseur, mettez les fruits coupés en quartiers.
- Rabattez ensuite les bords de la pâte vers le centre, puis pétrissez doucement pour bien mélanger la pâte et les fruits.
- Formez alors une couronne, "piquez" les poires restantes sur le dessus et mettez-la sur une plaque à pâtisserie pour laisser reposer 3 heures.
- Dorez à l'oeuf et faites cuire à four chaud en surveillant la cuisson.




Au hasard des rues



Sources:
site :mon bourbonnais.com
site : https://www.moulins-tourisme.com
site:  rivagesdeboheme pour le tryptique
site : musée Anne de Beaujeu
site: généalogie-histoire

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