lundi 24 octobre 2022

Envie de lecture....chapitre 15

Nouvelles lectures  du trimestre!
Michèle Barrière, Sofi Oksanen, Olivier Barde-Cabuçon, Jonas Jonasson, Jean Marc Berlière, Jasper FForde, Andreï Kourkov, Jean Michel Guénassia, Paola Pigani.
Cabinothèque de Meyrié (38)
Michèle Barrière : l'assassin de la Nationale 7
Nous sommes en septembre 1929, un mois avant la crise économique qui frappera l'Europe  le 24 octobre 1929.
A cette époque les richissimes  américains ou artistes se retrouvaient tous sur la côte d'Azur à Antibes, Juan les Pins, pour fuir la prohibition qui sévissait dans leur pays. 
Nous découvrons Adrien Savoisy. Adrien est le  fils de Quentin Savoisy, journaliste au Pot- au-Feu, puis rédacteur au Guide Michelin et de Diane que l'on découvre dans Meurtre au Ritz (cf chapitre 5 des envies de lecture). Adrien lui est enquêteur pour le Guide Michelin, pour s'occuper en fait, car ses ressources lui permettent de ne pas travailler.
Sa mère Diane a divorcé  et vit avec Ann sur la côte d'azur dans la villa Gallicia.
Donc Adrien part en vue  emprunte la Nationale 7 pour se rendre à Antibes au volant de sa Delage 8. Sa mission étant de tester les restaurants gastronomiques de Saulieu à Antibes. Et nous, grâce à lui, nous allons faire la tournée des grands ducs, dans des lieux qui ont existé et qui parfois existent encore mais dont l'âme a peut être changé, car  la cuisine et le tourisme ont changé aussi. Aujourd'hui il faut se rendre rapidement sur son lieu de villégiature et la lenteur est moins à l'ordre du jour. Quel délice que l'itinérance!
Mais l'épopée va être plutôt tourmentée, car arrivé à Saulieu  à l'hôtel  de la côte d'Or chez Budin, un homme meurt au cours du repas: assassinat ou simple attaque due à la bonne chère? Il y rencontre Rebecca une jeune femme réservée. Tout le long de son périple, il  est accompagné par Curnonsky, surnommé  le prince des gastronomes, et ses comparses retrouvés aux différentes étapes qui  sont un couple d'Anglais, un chroniqueur au Matin, Lenoir, Marcel Parent et sa maîtresse Yvette, Lucien  un vendeur de commerce et sa femme Suzanne, le docteur Boulinois, le vicomte de la Saussaye et son compagnon du moment. A l'étape de Meursault , à l'hôtel du Chevreuil tenu  par la mère Daugier célèbre pour sa terrine chaude et pour le repas de fin de vendanges (la paulée) qui s'y tenait chaque année, un accident de voiture mit fin à la vie de Marcel Parent. Puis c'est l'arrêt à l'hôtel de l'Europe et d'Angleterre à Macon tenu par Victor Burtin, où meurt un chef cuisinier. Adrien en est certain il y a un assassin dans le groupe ! Puis c'est le Carlton de Lyon et le restaurant de la rue Royale, celui de la mère Brasier. Arrêt à Vienne chez Fernand Point, puis les arrêts se succèdent le long de la nationale 7. Enfin  Antibes  où Adrien retrouve sa mère et Ann à la villa Gallicia. Le milliardaire américain y a construit l'hôtel Provençal, Gérald et Sarah Murphy ont acheté la villa América où ils tiennent table ouverte pour leurs amis Picasso, Cocteau, Stravinsky, Fernand Léger, et leurs compatriotes : Ernest Hemingway, Dorothy Parker et surtout Francis Scott et Zelda Fitzgerald.
C'est donc dans ce monde qu'Adrien évolue et il  finira par découvrir le coupable.
Nous retrouverons Adrien en 1933 dans Meurtres au Ritz au côté de la mère Brasier (cf chapitre 5 d'envie de lecture)
Un livre,  toujours aussi bien documenté, idéal à lire en vacances !

Extrait 1 :"Jules Lafon, qui connaissait les goûts du Prince, lui servit d'autorité un verre de montrachet.
-Voilà un des cinq meilleurs vins blancs du monde. Avec le Château-d'Yquem en Sauternes, la coulée de Serrant en Anjou, le Château-Grillet dans la vallée du Rhône et le Château-Chalon dans le Jura, susurra Curnonsky en prenant le verre comme s'il s'agissait du Saint Sacrement."
Là encore, Adrien convenait qu'il avait parfaitement raison et s'abîma dans la dégustation du nectar."

Extrait 2: " Ils prirent leur temps pour apprécier la saveur fine et fondante du brochet. Un nouveau pot de beaujolais leur fut apporté.
-Tu vois, mon petit: Lyon, je n'hésite pas à le dire, à l'écrire et à le proclamer, est la capitale gastronomique du monde. Imagine: la boucherie tire ses bêtes à cornes du Charolais, ses moutons de l'Auvergne et de la Loire, où leur chair est ferme et parfumée; les volailles viennent de la Bresse; le beurre et le lait, du Dauphiné et du Bugey; les carpes des Dombes; les brochets de l'Ain; les truites, des vallées des Alpes; les truffes, de Valréas et du Ventoux; les champignons, du Valromey; enfin, la vallée du Rhône lui apporte tout le cortège de ses excellents fruits et de ses légumes choisis. Et les écrevisses des ruisseaux de la Haute-Loire? Et les fromages de l'Isère et du Jura? Et les poissons des lacs savoyards? Et tant d'autres bonnes choses que nous avons pur ainsi dire sous la main? La bonne fée a bien fait les choses, qui s'est jadis penchée sur le berceau de la naissante Lugdunum! Mais revenons à nos moutons, ou plutôt nos suspects. En vois-tu d'autres?"


Sofi Oksanen : Purge
Voilà j'ai fini par m'inscrire à la médiathèque ! Pour lire des livres que je n'avais pas forcément envie d'acheter. Et comme François Busnel dans une de ses émissions avait parlé de ce livre, je me suis dit que c'était l'occasion de l'emprunter à la bibliothèque. Bien m'en a pris car j'ai beaucoup aimé.
C'est la rencontre de deux femmes en Estonie, Aliide, une vieille femme qui vit recluse dans son village, qui n'a pas d'amis  et Zara, une jeune femme qui git dans sa cour. Toutes les deux ont peur Aliide, des pillages et des méchancetés  des gamins et Zara des hommes qui la poursuivent. Mais Aliide lui ouvre sa porte et au fil des pages l'histoire de ces deux femmes se dessine, le tout sur fond d'histoire de l'Estonie de 1939 à 1992. Il faut dire qu'elle a été particulièrement mouvementée:
Fin 1939, l'armée rouge pénètre en Estonie et l'occupe jusqu'en 1941 où se font des déportations massives vers la Sibérie.
Puis en juillet 1941 et jusqu'en 1944, elle est occupée par l'Allemagne.
De 1944 à 1991 c'est la seconde occupation soviétique jusquau 19 aout 1991 où l'indépendance de l'Estonie est proclamée.
La maîtrise de l'auteure c'est de nous faire naviguer entre les différentes périodes pour mieux construire le récit. Le puzzle n'est pas forcément facile à assembler  au départ  avec les différents flash-back. Et son écriture sait fort bien donner de la force aux sentiments, à la rancoeur, à la cruauté, à l'amour  qui transparait dans ses personnages.
Le personnage d'Aliide semble ambigu, est-ce une simple d'esprit ou plutôt une femme prête à tout pour sauver sa peau ou défendre ses seuls intérêts par amour? Elle aura subi la guerre, l'occupation russe et la torture.
Quant à Zara, elle a voulu fuir la Russie pour un monde meilleur tout  en étant sous la coupe d'un proxénète.
Est-ce le remords qui fera qu'Aliide fera tout pour sauver Zara  ou bien  est-ce parce qu'elle est la petite fille de Hans son amour d'autrefois?
C'est un livre que je recommande et qui nous éclaire aussi sur la géopolitique d'aujourd'hui.

Extrait 1: "Aliide entendit un choc familier sur la vitre, mais fit mine de n'avoir rien remarqué, continua comme si de rien n'était, rinçant l'intérieur de la tasse selon son habitude, observant le tourbillon de crème à la surface du café, penchant la tête en direction de la radio comme s'il en sortait quelque chose d'important. La fille, bien sûr, fut tout de suite terrorisée par le bruit. Son corps tressaillit et ses yeux s'envolèrent vers la vitre, ses cils se déployèrent comme des ailes tandis qu'un tic lui secouait le sourcil gauche, et c'est d'une voix à peine audible qu'elle demanda ce que c'était. Aliide soufflait dans sa tasse, bougeait les lèvres avec les nouvelles, regardait dans le vague en direction de la fille en même temps que celle-ci cherchait dans son visage des signes de ce que le choc pouvait bien signifier. Aliide était imperturbable. Avec un peu de chance, les garçons se contenteraient de ce seul caillou, ce soir."

Extrait 2:" Elle s'arrêta sur la bordure du chemin et regarda le paysage serein. Ingel irait bientôt à la traite du soir. Hans lisait peut-être les journaux dans le cagibi. Les mains d'Aliide ne tremblaient pas. Une joie soudaine, honteuse, se répandit dans sa poitrine. Elle était en vie. Elle s'en sortait. Son nom n'était pas sur les listes. On ne pourrait pas porter de faux témoignage à son sujet, pas au sujet de la femme de Martin, tandis qu'elle pouvait envoyer les Roosipuu là où la campagne estonienne ne serait plus qu'un lointain souvenir. Aliide sentit ses pas s'allonger, sa jambe battre la terre avec force, et elle fila à la ferme des Roosipuu, failli renverser la mère Roosipuu sur les marches, la dépassa et lui claqua la porte au nez. Elle fit du thé avec le thé des Roosipuu, prit le sucre dans le sucrier des Roosipuu et coupa la moitié de leur pain pour l'emporter dans sa chambre, sur le seuil de laquelle elle se tourna vers la famille Roosipuu, pour leur dire qu'elle leur donnait un conseil d'amie, parce qu'elle était quelqu'un d'indulgent et ne voulait que du bien à tous ses camarades : ce serait sage si les Roosipuu retirait l'image de Jésus du mur de leur chambre à coucher. Le camarade Staline n'aimerait pas que les citoyens du nouveau monde des travailleurs récompensent son bon travail en ayant ce genre de chose au mur.
Le lendemain, la gravure du fils de Dieu avait disparu."


Olivier Barde-Cabuçon : Casanova et la femme sans visage.
J'aime beaucoup les romans historiques, comme vous avez certainement pu le constater au fil de mes lectures. Aussi quand j'ai vu que les romans de l'auteur se situaient à l'époque de Louis XV et ayant beaucoup apprécié la série de livres sur Nicolas le Floch de Jean François Parot, je me suis laissée tentée et j'ai donc emprunté ce livre à la médiathèque.
C'est le premier d'une série qui met en scène, le chevalier de Volnay qui a la charge de commissaire de police aux morts étranges dans la police parisienne. Il a comme lieutenant le moine, savant, hérétique et lecteur de cadavres, et débrouillard comme pas deux, toujours au bon endroit, et comme animal de compagnie une pie qui parle. Point d'amis, ni de maîtresses ne lui sont connus. Epris de justice et  de loyauté, il est en révolte contre la monarchie et la société qui l'entoure. Volnay et le moine sont emprunts d'un certain mystère qui sera dévoilé à la fin du livre.
En 1759, le cadavre d'une femme sans visage est retrouvé dans la cour d'un immeuble parisien. Aussitôt Volnay est mis sur l'enquête. Il croisera Chiara, une belle italienne, et des personnages illustres comme Giacomo Casanova, le comte de St Germain, la marquise de Pompadour, Louis XV, et l'inévitable Sartine toujours aussi ambigu, des sociétés secrètes comme la confrérie du Serpent et des partis antimonarchiques comme  le parti dévot. Il y est beaucoup question d'ésotérisme, d'alchimie. 
C'est un livre fort documenté sur ces personnages et sur la société de l'époque. Néanmoins, ce livre m'a fait l'impression que l'Histoire prenait le pas sur l'intrigue et j'ai trouvé une certaine lenteur au récit. Le personnage de Volnay m'a laissé un peu froide, pas antipathique mais pas attachant.

Il me faudra lire un deuxième opus de la série pour me faire une idée plus complète et peut-être mieux rentrer  dans l'esprit de la série.

Extrait 1:" -Mademoiselle, savez-vous quelque chose sur la victime ou à propos de sa mort?
Chiara le regarda bien en face et, sans ciller, répondit:
-Je ne sais rien.
Elle avait répondu sans une once d'hésitation et pourtant Volnay avait l'impression qu'elle mentait. Son esprit méthodique analysait les données soigneusement emmagasinées: une jeune aristocrate italienne venue le voir le lendemain d'un assassinat atroce sous le prétexte d'abord d'une visite à la morgue puis de la disparition de sa dame de compagnie. Cette même personne pouvait identifier la victime avec son masque mortuaire mais se trouvait incapable de donner la moindre information sur celle-ci!."

Extrait 2:" Il l'entraîna au Procope. On y servait des glaces à la rose, aux fleurs d'orangers grillées, au pain bis et au beurre frais.
-Savez-vous, Léonilde, que les Chinois et les Arabes connaissaient les entremets glacés? Les califes de Bagdad buvaient des sirops refroidis avec de la neige: les chorbet. A la cour d'Alexandre le Grand, on dégustait des macédoines mélangées à du miel dans des récipients recouverts de neige. Néron se faisait quant à lui livrer à bride abattue de lointaines montagnes des mélanges d'eau de rose, de miel, de fruits et de résine. Enfin grâce à Dieu, Marco Polo nous a rapporté la sorbetière!
-On m'a raconté cette histoire. Je doute pourtant que Marco Polo soit allé jusqu'en Chine, à vrai dire je doute même qu'il n'ait jamais mis un pied en Asie, fit Léonilde en haussant un sourcil. Les aventures de Marco Polo sont certainement nées de son imagination et pourtant on parlera encore de lui pendant des siècles..."



Jonas Jonasson : Douce, douce vengeance
Après avoir lu les quatre romans précédents : le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, l'analphabète qui savait compter, l'assassin qui rêvait d'une place au paradis, le vieux qui voulait sauver le monde, je ne voulais pas passer à côté de ce cinquième bouquin!
Aussi déjanté que les autres! (mais j'adore!).
Qui n'a pas eu un jour ou l'autre quelque rancune, vis à vis de son voisin,  du facteur, ou de toute autre personne  qui fait rien qu'à nous contrarier?  Tous, un jour ou l'autre! Mais voir se créer une société de vengeance destinée à laver les vexations en tous genres il n'y a que dans les livres de Jonasson que la chose est  possible!
Et c'est bien l'idée judicieuse (et qui peut rapporter bien sûr)  d'Hugo Hamelin, publiciste renommé,  qui crée La Vengeance est douce SA.
Mais il ne va pas être au bout de ses peines car si tout semble rouler au début, ça va se corser quand il va rencontrer  Kevin (un presque guerrier Masaï), Jenny (une  totalement divorcée d'un marchand d'art), Ole Mbadian (un homme médecine Kenyan plutôt gaffeur)) et avoir aussi affaire à Victor Alderheim (un marchand d'art sans scrupules), à Carlander (un policier presque à la retraite). Et surtout vous y découvrirez la peintre expressionniste sud-africaine  Irma Stern. Tout ça dans un esprit  farfelu et  plein d'humour.
Et si un jour vous allez en Suède après avoir lu ce livre nul doute que vous goûterez au Kaviar Kalles!
Un livre sans prise de tête , drôle et qui permet une évasion sans limites!

Extrait 1:
"Jusqu'à très récemment, il dirigeait une entreprise fondée sur une idée brillante : convertir en espèces sonnantes et trébuchantes le désir des gens de se nuire mutuellement. Cent pour cent d'entre subissaient une injustice à un moment ou un autre. Cinquante pour cent souhaitaient obtenir réparation. Dix pour cent avaient les moyens de payer. Si seulement 1 % sautait le pas, La Vengeance est douce SA aurait des perspectives d'avenir plus que douces."

Extrait 2:
" Longtemps après sa mort, Irma Stern allait faire une entrée fracassante dans la vie de Jenny et Kevin . Ceux-ci n'en avaient pas la moindre idée quand ils sortirent du café qui venait de les délester de la moitié de leurs économies.
De l'autre côté de la rue, le directeur de la Vengeance est douce SA ne se doutait pas non plus que l'artiste germano-africaine s'apprêtait à bouleverser sa vie. Avec le sérieux coup de pouce d'un homme médecine doublé d'un guerrier Massaï."


MC Beaton : Agatha raisin  tome 15-Bal Fatal-
Agatha a enfin ouvert son agence de détective privée. C'est à Mircester qu'elle trouve son bureau,. Elle embauche un photographe à la retraite Sammy Allen, puis un technicien de la police aussi à la retraite Douglas Ballantine. Quant à la secrétaire, qui doit être capable aussi de faire du travail d'enquête, c'est sa voisine d'Emma Comfrey qui postule. Elles commencent toutes les deux par les disparitions (êtres humains ou animaux) et adultères. Les grands airs d'Emma Comfrey qui se  prend presque pour la directrice,  agacent quelque peu Agatha qui essaie de faire contre mauvaise fortune bon coeur. Puis un beau jour Mme Laggat-Brown frappe à sa porte. Elle est envoyé par Sir Charles Fraith, Elle demande à Agatha d'enquêter car sa fille Cassandra a reçu une lettre de menace. Celle-ci doit se fiancer à Jason Petterson et elle a peur que la menace soit mise à exécution le jour de ses fiançailles. Pour Agatha c'est  une bonne affaire financière. Roy et Charles seront de nouveau les alliés d'Agatha sur cette enquête. Ils iront de rebondissements  en cadavres et se mettront en danger plus d'une fois.

Extrait 1:"- Je suis Mme Laggat-Brown, dit-elle en s'asseyant devant le bureau, face à Agatha. J'ai rencontré votre ami, sir Charles Fraith, lors d'une collecte de fond, et il m'a conseillé de faire appel à vos services.[...]
-En quoi est ce que je peux vous aider demanda-t'elle?
-Vous n'êtes pas tout à fait comme je l'imaginais, répondit Mrs Laggat-Brown.
-A quoi vous attendiez-vous?
Mrs Laggat-Brown s'attendait à tomber sur une personne du même milieu qu'elle, "une personne comme nous", mais une lueur dans le regard d'Agatha la dissuada de faire le moindre sous-entendu en ce sens."

Extrait 2:" En entendant le bruit d'un véhicule s'engageant dans Lilac Lane, Emma se précipita sur le palier à l'étage pour regarder dehors. Charles et Agatha descendaient de voiture. Ils riaient allègrement. De moi? s'interrogea t'elle, et elle serra les bras contre son corps au comble de la jalousie.
A cet instant, elle haïssait Agatha Raisin. Elle se prépara à dormir et s'allongea sous sa couette, en proie à de nouveaux fantasmes: si Agatha disparaissait, Charles se tournerait vers elle. Il avait de toute évidence un penchant pour les femmes plus âgées."


Jean Marc Berlière : les policiers français sous l'occupation
En travaillant sur  les archives de la police française, l'auteur cherche à savoir et ensuite à nous montrer,  à travers différents cas, comment les policiers français sous le gouvernement de Pétain à Vichy ont traversé l'épuration: c'est  le paradoxe d' une police engagée dans la lutte contre les résistants, dans la traque des juifs et dans la répression du marché noir, tout en devant tenir compte des exigences allemandes, de la volonté de Vichy d'affirmer sa souveraineté, et des rivalités interservices. 
"Un postier résistant, un instituteur indifférent, un épicier collaborateur, l'ouvrier travaillant pour une usine travaillant pour les allemand n'ont pas autant eu autant de prise sur le destin de leurs contemporains. Toute action des policiers, même accompli avec répugnance, leur a fait alimenter la machine à broyer."

Le livre se structure ainsi:
    •  1944 - Epurer la police ? Qui et comment ?
    •  L'élite de la police judiciaire, les " Brigades du Tigre ", dans la tourmente
    •  Compromissions au 36, quai des Orfèvres
    •  Les Renseignements généraux de la préfecture de police
    •  Les " spécialités encombrantes " de la Sûreté nationale et des " brigades du Tigre "
    •  La police municipale parisienne dans la lutte anticommuniste
    •  Escalier F, premier étage, bureau 205 : Sous-direction des Etrangers et des Affaires juives
    •  Les " mangeurs de juifs "
    •  Deux poids, deux mesures ?
    •  L'heure des comptes : bilan d'une épuration oubliée

Difficile d'en faire un résumé donc  en voici quelques extraits:

1944 - Epurer la police ? Qui et comment ?
"La section d'épuration établit les dossiers des policiers à "épurer" dont la plupart sont suspendus de leurs fonctions et internés. Pour ce faire elle reçoit, recherche, ou sollicite les dénonciations des collègues, les témoignages des victimes ou de leurs famille, collationne  les listes de policiers accusés ou soupçonnés d'attitude ou d'actes antinationaux, liste dressées par les "comités de Résistance" qui se sont mis en place dans les différents services ainsi que dans chaque arrondissement ou circonscription de banlieue.  Ses inspecteurs dépouillent systématiquement - pour y relever les noms des auteurs d'arrestations de "patriotes", d'israélites, de réfractaire au STO- les livres d'écrou et de mise à disposition des commissariats, les archives et dossiers des affaires traitées par les BS(brigades spéciales) ou la police judiciaire. Elle traque tout signe de zèle et, dans ce but, épluche les notes professionnelles, les appréciations des chefs, recherche des récompenses, les promotions, les gratifications."

  • L'élite de la police judiciaire, les " Brigades du Tigre ", dans la tourmente
  • "Une question essentielle demeure:  comment et pourquoi Buffet, un policier qui a" servi avec ferveur le gouvernement Léon Blum", comme l'en accusent encore les collaborationnistes du Pilori en janvier 1942, comment et pourquoi le secrétaire d'un syndicat créé par  Célestin Hennion, la figure du policier républicain, a-t-il pu prendre de telles responsabilités, participer à un tel dévoiement d'un idéal de police qu'il avait servi et incarné des années durant.?
Plusieurs motifs ont sans doute contribué à cette dérive:
Un réel attachement et une grande fidélité à Laval qui, selon certains observateurs, le subjuguait  et dont il partagea jusqu'au bout les convictions sur le "moindre mal" qu'il y avait à faire la sale besogne à la place des Allemands.
Une ambition démesurée comblée par des promotions rapides et successives qui représentent le couronnement d'une carrière.
Mais la clé de l'attitude de Buffet tient sans doute et par-dessus tout dans son aveuglement sur le sens du "devoir" et l'impunité qui doit en résulter pour  des policiers"esclaves" de la loi."

  • La police municipale parisienne dans la lutte anticommuniste
  • "Chargée  de prévenir toute propagande d'un Parti communiste don le pacte germano-soviétique et la nouvelle ligne politique ont provoqué la mise hors la loi, les gardiens de la paix sont appelés à une vigilance accrue à l'égard des porteurs de tract, des auteurs de graffitis, ou tout autre activité de propagande désormais assimilée à un délit.[...] Poussés par les ressentiments accumulés contre les militants, encouragés par leur hiérarchie, stimulés par les avantages -gratifications, récompenses, promotions et mutations attrayantes- offerts par un travail qui rompt avec la monotonie du service ordinaire sur la voie publique, la plupart des policiers municipaux se sont investis sans rechigner dans ces missions."

  • Escalier F, premier étage, bureau 205 : Sous-direction des Etrangers et des Affaires juives
  • "Police administrative par excellence ce service, centre stratégique du contrôle des étrangers du département de la Seine, règne avant-guerre sur les millions de fiches cartonnées de couleurs- rouge pour les rues, vertes pour les nationalités- classées par noms, adresses, nationalités dans des cabriolets formant des amoncellements à l'équilibre hasardeux.
  • Sur ces fiches : 500 000 étrangers à la veille du conflit: des Italiens antifascistes, des Allemands antinazis, des juifs d'Europe Centrale aux nationalités parfois indistinctes du fait des remaniements incessants de frontières.[...] Recevant quotidiennement les fiches d'hôtels ou de garnis, les "bulletins de mutations" établis par les préfectures d'origine ou de destination, les bulletins de déclaration établis par les commissariats, les avis transmis par les Services de la main-d'oeuvre, les procès-verbaux d'infraction au code du travail, les dénonciations anonymes, le personnel a acquis  une"culture professionnelle" marquée de mépris et de dureté qui a laissé des souvenirs pénibles à ceux qui ont dû le fréquenter."

  • Les " mangeurs de juifs "
"Parmi ces chasseurs de juifs, certains ont fait preuve d'un zèle forcené. C'est le cas de Sadosky, l'un des chefs de ces Brigades de voie publique. Présenté par Foin, son prédécesseur, comme un "sale individu...terreur des inspecteurs.. qui les obligeait à ficher tous les juifs objets d'enquête comme communistes ou sympathisants communistes pour qu'ils figurent sur les listes d' "otages", l'inspecteur principal Louis Sadosky incarne jusqu'à la caricature, le "mangeur de juifs".
Un des seuls policiers de la 3eme section à avoir été condamné, il a incontestablement joué un rôle de bouc émissaire : il devenait très commode pour ses collègues de le rendre responsable des horreurs imputées  à un service bien oublié au profit des "BS"


Jasper Fforde : Délivrez-moi!
Thursday Next est détective littéraire et agent des OpSpecs (opérations spéciales) et comme animal domestique, elle a un Dodo qui se nomme Pickwick, ou plutôt une  Dodo, puisque celle-ci a pondu un oeuf.
Thursday a une fâcheuse tendance à pénétrer dans les livres et à en  changer la fin : pour cela voir "L'affaire Jane Eyre". Et donc depuis cette dernière affaire, elle est devenue une célébrité! Mais elle a aussi des détracteurs qui  la recherchent pour  lui intenter un procès! Et enfin,  depuis qu'elle a enfermé Jack Maird dans le livre le Corbeau (un poème de Poe), le groupe Goliath (multinationale toute puissante) ne la lâche pas. Ils éradiquent même son mari Landen, c'est à dire que celui-ci n'existe plus sauf dans les souvenirs de Thursday. Elle décide de  partir à sa recherche, mais elle doit également  sauver le monde qui devrait être dévoré par une espèce de bouillie rose!.
Elle va pour cela  être l'assistante de Miss Haversham (personnage des Grandes Espérances de Dickens) dans le service de Jurifiction, service qui veille à l'intégrité des oeuvres. Et va essayer de déjouer les coïncidences : « Il y a un peu trop de coïncidences autour de moi en ce moment… je pense que quelqu'un cherche à me tuer. »
Il  faut s'accrocher au début pour suivre le fil  tant cet univers est délirant et loufoque, nous sommes dans le monde imaginaire de Jasper Fforde et j'avoue que je suis devenue accro! Heureusement ils ont la suite à la bibliothèque!!

Extrait 1: "Spike frappa le volant du plat de la  main.
- Les salopards. Je suis navré d'entendre ça, mais écoutez ce n'est pas la fin du monde. Mon oncle Bart a été  éradiqué il y a quelques années de ça. Seulement, ils se sont plantés et ont laissé à ma tante des souvenirs de lui. Elle a porté plainte, et Un an plus tard? il a été réactualisé. L'ennui, c'est que je n'ai jamais su que j'avais un oncle après qu'il a disparu, et que je n'ai jamais su qu'il était parti une fois qu'il est revenu; j'ai été obligé de croire ma tante sur parole. C'est clair, ce que je raconte là?"

Extrait 2:" Je retournai à la page avec la description de mon appartement. Je commençais à lire et sentis la main osseuse de Havisham m'agripper par le coude, tandis que les toits de Prague et les immeubles délabrés s'évanouissaient pour céder la place au décor familier."



Andreï Kourkov: Laitier de nuit
Ce livre relate  la vie quotidienne de plusieurs personnages dans l'Ukraine post-soviétique. Mais sous la plume de Kourkov, cette satire politique, à l'allure de polar, prend une allure de fable avec beaucoup d'humour et des personnages loufoques mais attachants!
Le récit débute par Irina, une jeune maman vivant avec sa mère et sa fille, et qui, pour quelques hryvnias va donner son lait dans un lactarium privé à Kiev jusqu'au jour où elle rencontre Yegor un agent de la sécurité du Parlement.
Autre personnage : Dima qui travaille à l'aéroport de Kiev, il est accompagné de son chien Chamil  qui flaire une valise suspecte. Dans l'espoir de se faire un peu d'argent supplémentaire pour améliorer les fins de mois, Dima et deux bagagistes Boris et Génia escamotent la valise sensée contenir de  la drogue. Mais en lieu et place de drogue, ce sont des ampoules remplies d'un curieux liquide . 
Entre temps le pharmacien concepteur de ses ampoules "antifrousse" et travaillant pour de mystérieux commanditaires se fait assassiner en pleine nuit dans les rues de Kiev.
Le troisième personnage c'est Semion qui travaille  à la sécurité pour un député au Parlement: Il est somnambule et se promène dans les rues la nuit, et ne se souvient de rien le jour.
On boit beaucoup dans ce roman, cognac, vodka et gnôle à l'ortie. D'autres personnages gravitent autour de nos protagonistes: la veuve du pharmacien qui souhaite plastiniser son mari pour le faire durer le plus lngtemps  possible, le prêtre Onoufri qui se reconvertit dans des activités plus lucratives, le psychiatre Piotr Issaïevitch qui lui se reconvertit en chef d'un parti manipulateur, le député Guennadi Illitch, un député ambitieux et corrompu.. Et ajoutez à cela  des chats qui ressuscitent et un mort  qui se promène la nuit...
A lire absolument!

Extrait 1 : "Il retourna rapidement chez lui, prit le chat enveloppé de la serpillière sur laquelle il reposait, et l'emporta au garage.
Il avala encore un verre, puis tira une ampoule d'une boîte, en brisa l'extrémité et vida le contenu dans une assiette où traînait encore un reste de sprat. Il plaça l'assiette devant le chat gris. Celui-ci releva le museau. Des lueurs s'allumèrent dans ses yeux. Il rapprocha sa tête d'un mouvement frénétique, et lapa tout le liquide, jusqu'à la dernière goutte."

Extrait 2: "Daria Ivanovna conduisit Véronika à son mari installé dans le fauteuil. Elle s'agenouilla sur le tapis et désigna du doigt les pantoufles du mort. Véronika s'assit à son tour par terre et constata  que les semelles desdites pantoufles étaient tachées de boue.
-Seigneur! soupira Véroika, interloquée. Comment est-ce possible?
Mais Daria Ivanovna, sans rien répondre, lui montra alors les traces laissées par les pantoufles sales. A peine perceptibles sur le tapis, mais bien marquées dans le couloir."

 

Jean Michel Guenassia: Les terres promises
Jean Michel Guenassia nous donne une suite aux incorrigibles optimistes. Nous avions laissé Igor, Leonid, Sacha, des réfugiés du bloc de l'Est, jouer aux échecs dans l'arrière salle du Balto sous l'oeil de Michel Marini âgé de 12 ans. C'était en 1959.
Nous  retrouvons Michel, il a 17 ans, nous sommes en 1964 et il est toujours amoureux de Camille. Franck son frère, communiste convaincu, est parti se battre en Algérie, il déserte mais veut rester en Algérie pour aider les Algériens à bâtir une société socialiste.
Avec l'effondrement du bloc communiste Igor et Leonid chercheront à retrouver leurs familles.
Michel continue ses études mais ne sait pas quelle carrière choisir. Il veut retrouver Camille partie avec ses parents dans un kibboutz en Israël.
Le livre se déroule des années 1960 jusqu'aux années 2000.
On navigue entre la France, l'Algérie, Israël et l'Urss. Les protagonistes vont mêler leur histoire aux événements qui ont secoués le monde. Un livre sur les utopies, les désillusions, la quête d'un monde meilleur, la recherche d'un idéal.
J'ai aimé ce livre et cette citation d'Aragon en fin ce chapitre: 
"Un beau soir, l'avenir s'appelle le passé
C'est alors qu'on se tourne 
Et qu'on voit sa jeunesse"

Extrait 1:
- Cela fait partie des convulsions de l'histoire, dit Franck, les massacres de Septembre ou de Vendée ont été une abomination, mais est-ce que cela condamne la pour autant la Révolution française? La révolution russe a été émaillée d'atrocités effrayantes, elle a pourtant éliminé le tsarisme qui était un régime monstrueux. Après la Libération, il y a eu des règlements de comptes et des injustices épouvantables. Les vainqueurs ne sont jamais généreux, ils ont tellement souffert avant de l'emporter, tellement eu peur de perdre, ils doivent faire payer les vaincus et venger leurs morts dans le sang. Oeil pour oeil. Il n'y a pas de pardon, Il n'y a que des haines accumulées qui se transforment en pulsions que personne ne contrôle, l'animalité fait partie de l'humanité, c'est horrible, c'est condamnable, mais c'est dans notre nature, le monde n'avance que par la violence."

Extrait 2: " Les temps avaient changé. Finies les envolées lyriques des beaux jours de l'indépendance. Les espoirs d'un monde nouveau étaient en berne, les illusions se ramassaient à la pelle. A l'époque où les français venaient de décamper, on pouvait mettre sur leur compte les problèmes, c'étaient les séquelles de la colonisation, et mobiliser la jeunesse contre les anciens maîtres, mais il avait fallu affronter des défis inattendus et trouver d'autres coupables. Les idéalistes, les démocrates avaient cédé la place aux hommes d'affaires, aux généraux et aux politiciens qui maniaient à la perfection la langue de bois révolutionnaire, tant et si bien qu'il était impossible de les distinguer des utopistes qu'ils avaient éliminés. La transition mercantile se fit si lentement, et de manière si discrète, qu'elle resta inaperçue du  peuple qui croyait encore dur comme fer que les difficultés rencontrées provenaient de l'héritage infernal laissé par les colons. Des sommes faramineuses furent détournées, enrichirent les familles bien en place."


Paola Pigani: Venus d'ailleurs
Simona et Mirko sont kosovars. Ils fuient la guerre avec la Serbie, les exactions, les blessures, leur vie qui s'est écroulée en quelques minutes. Après  avoir passé plusieurs frontières, ils arrivent en France où ils doivent attendre dans le camp de transit du Chambon sur Lignon que leur soit accordé le statut de réfugié.
Simona rêve d'une intégration parfaite, parler français, épouser un français. Pour Mirko c'est plus difficile, il vit dans la nostalgie de son pays, du souvenir de ceux qu'il a laissé là-bas. Ils s'installent sur Lyon, Simona trouve un travail et noue des amitiés. Mirko travaille sur des chantiers  mais vit solitaire en foyer. Son seul lien avec les autres c'est les graffs réalisés dans les friches de la ville. Mirko rencontre Agathe qui peint  et avec laquelle il arrive à parler de ce qu'il a subi.
J'ai aimé ce livre où l'auteur nous dépeint l'exil de chacun à travers ses personnages.


Extrait 1: "Ils aimaient marcher pieds nus dans leur claquette en plastique. Les gens de la commune les rencontraient rarement aux premiers temps de l'implantation du Cada mais étaient friands des miettes de leur histoire tombées parfois des propos distraits des travailleurs sociaux, des bénévoles, du médecin. C'est ce qu'ils remarquaient en premier : les pieds nus dans des tongs ou des claquettes en plastique." Même les Noirs! Ils sont frileux pourtant, non? " Personne ne voyait le sol artificiel, lino, carrelage où ils glissaient comme des ombres, fuyaient le bruit de leurs propres pas et le désir de reprendre un chemin dans de vraies chaussures. Vers une nouvelle histoire."

Extrait 2: " Elle lève les yeux au plafond.
-OK monsieur, mais tu parles mieux que moi. Tu dis mieux la vérité.
- Aujourd'hui, oui, c'est ça. Demain, ça sera autre chose. Tu seras française dans quinze ans et moi français dans cent cinquante.
-Pourquoi tu dis ça?
Il désigne leurs reflets dans une des glaces fêlées du magasin.
- Toi, on verra pas ton pays sur ta peau. On l'entendra pas dans ta voix."



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